Charles Pathé
1863 - 1957


Si les Frères Lumière ont inventé le cinématographe, Charles Pathé a su  l'industrialiser.

Charles Pathé est né en 1863 de parents alsaciens. Il avait 3 frères et 2 soeurs.

En 1889, Charles Pathé s'embarque pour l'Amérique du Sud, avec l'espoir d'y faire fortune. Il revient en France deux ans plus tard, aussi pauvre qu'à son départ. Il se marie, et avec l'aide de sa famille devient propriétaire d'un restaurant à Vincenne..

En 1894, il découvre le phonographe Edison à la foire de Vincennes ; il s'en procure un et décide de l'exploiter à son tour sur les foires. Ennivré par le succès, il loue en 1895 une boutique au 72 Cours de Vincennes, puis se rend fréquemment à Londres pour acheter des contrefaçons de phonographes et de kinétoscopes Edison, qu'il revend en France, avec une forte marge.

Il enregistre des cylindres avec une équipe de récitants, chanteurs et musiciens ; pour économiser des cachets d'artistes, Charles Pathé enregistre sa propre voix, notamment le dernier discours du président Sadi Carnot. Son magasin est proche de la foire du Trône et les forains accourent acheter phonographes et cylindres enregistrés. Dans son magasin, Charles Pathé rencontre Joseph Joly, mécanicien photographe, fort intéressé par ces nouveaux appareils.

Etonné par le prix des bandes pour le kinétoscope dont Edison a le monopole de la fabrication,  il propose à Pathé de fabriquer un appareil de prise de vues. Pathé avance les fonds et Joly se met au travail ; l'appareil proposé coûte trop cher et Pathé prend la décision de se séparer de son associé Joly, car il le soupçonne de travailler pour un concurrent.

Il lui confisque le matériel qu'il avait financé. devant le succès remporté par les projections du Cinématographe Lumière au Grand Café, Pathé veut abandonner le kinétoscope à vision individuelle car il comprend vite ce qu'il peut attendre de la projection animée sur grand écran et tous les bénéfices qu'il peut tirer de cette invention.

Le 28 septembre 1896, Charles et son frère Emile fondent la société "Pathé-Frères" ; la part de Charles Pathé est constituée par l'appareil de prises de vues confisqué à son ex-associé, par les photozootropes en cours de fabrication et par le petit laboratoire élaboré par Joly.

Emile s'occupe de la branche phonographique et Charles de la branche cinématographique. Sur les premiers phonographes, Pathé adopte comme motif de référence le fameux coq chantant,  avec la mention : "Je chante haut et clair".

Quant à Joseph Joly, il s'associe à l'ingénieur  électricien Normandin ; ils mettront au point un projecteur, mais leur entreprise connaîtra un discrédit fatal lors du terrible incendie du Bazar de la Charité. Nous sommes en 1897. Chaque année la haute société parisienne se dispute l'honneur de participer au Bazar de la Charité ; c'est une oeuvre de bienfaisance où les gens les plus riches viennent manifester leur générosité pour les plus démunis. Le 3 mai 1897, il s'installe au 17 rue Jean-Goujon, près des Champs-Elysées. On tend  un immense vélum sous lequel des décors de carton-pâte, de bois blanc et de toile peinte sont  installés. Un peu plus loin, une petite salle abrite un cinématographe destiné surtout aux  enfants et aux jeunes filles ; un projecteur 35 mm Normandin et Joly est placé derrière une toile goudronnée pour l'isoler du public.

Les bouteilles d'oxygène et bidons d'éther nécessaires au fonctionnement de la lampe
(car l'électricité est encore rare à cette époque) sont stockés à l'extérieur. La lampe se compose d'une sorte de carburateur oxyéthérique dans lequel un fin filet de vapeur d'éther enflammée se trouve projeté contre un manchon de terre rare ; c'est le contact de la flamme avec ce  manchon qui génère la puissante lumière.

Avant l'ouverture officielle de cette grande fête, Normandin inspecte les lieux et n'est pas satisfait de ce local de projection ; de plus, la lampe ne fonctionne pas comme il le souhaite,  mais le fabricant, Molteni, n'est pas en mesure de lui en fournir une autre. Normandin interpelle l'organisateur de la fête, la baron de Mackau, qui semble agacé par ces problèmes techniques du cinématographe et les considère comme secondaires.

Le mardi 4 mai 1897, jour de l'inauguration officielle de la fête, tout fonctionne parfaitement ; le cinématographe connaît un gros succès et ne désemplit pas. Il est environ quatre heures de l'après-midi, quand une violente explosion survient et déclenche un immense incendie. En quelques minutes, le Bazar de la Charité devient un vaste brasier dans lequel vont périr 129 personnes appartenant pour la plupart, à la noblesse de l'époque, dont la duchesse d'Alençon, soeur de l'impératrice d'Autriche.

Les causes de cet incendie sont contreversées ; certains historiens l'attribuent à la maladresse de l'assistant qui, suite à l'extinction de la lampe, aurait approché imprudemment une allumette de la lampe, avant qu'elle ne fut refroidie, provoquant l'embrasement de la vapeur sous pression.

D'autres affirment qu'il s'agit simplement du dysfonctionnement de la lampe. La version officielle fut celle de la maladresse, car elle était la moins "gênante" pour tout le monde ! En 1897, l'incendie du Bazar de la Charité va freiner pour un temps l'engouement du public pour cette invention si dangereuse.

La classe bourgeoise va désormais la mépriser et le cinéma va se réfugier dans les baraques foraines où il va conquérir une nouvelle clientèle. Plus tard, il faudra construire des salles pour rassurer le public et effacer l'hostilité de l'élite cultivée.

L'incendie du Bazar de la Charité va avoir des répercussions terribles sur la jeune Société Pathé-Frères. Claude Grivolas, industriel, dont Méliès avait refusé une aide financière, va apporter les capitaux nécessaires.

Il devient actionnaire majoritaire de Pathé-Frères ; en décembre 1897, la Société
devient la Compagnie Générale de Cinématographes, Phonographes et Pellicules, et une fusion est opérée avec la Manufacture française d'appareils de précision, dirigée par Continsouza et Bunzli, qui avaient fait breveté la croix de Malte à quatre branches pour l'entraînement du film.

Avant cette alliance, Pathé avait conclu un accord avec la maison Lumière, pour    améliorer leur appareil ; ce fut le "projecteur Lumière transformé Pathé". Puis, il fabriqua un projecteur Pathé à griffes qui, vers 1898, donna naissance au "Pathé renforcé" comportant la fameuse croix de Malte, appareil qui fut pendant un temps le plus répandu dans le monde.

En 1900, lors de l'Exposition Universelle, Pathé apprécie l'efficacité de l'un de ses collaborateurs, Ferdinand Zecca, notamment pour la mise en place de son stand ; il va devenir son bras droit et se voit confier la production et la réalisation de films, n'hésitant pas à plagier les films de la concurrence. On ne connaissait pas les droits d'auteur à cette époque ! C'est l'époque de la colorisation à la main des pellicules. L'essor technique s'accompagne d'un essor commercial. Ecoutons Charles Pathé : "Une des idées les plus fécondes qui me soient jamais venues fut de renoncer à la vente des films pour la remplacer par la location..."

Pendant la période comprise entre 1905 et 1910, la Compagnie multiplie son chiffre d'affaires et prend le nom de Société Pathé Cinéma ; elle lance la série de films comiques de Max Linder et le fameux "Pathé Journal". Une vraie salle de cinéma, l'Omnia Pathé, est construite à Paris, boulevard Montmartre et sera inaugurée le 15 décembre 1906. Eastman-Kodak fournit la pellicule mais compte tenu de ses coûts élevés, Pathé décide de fabriquer lui-même son émulsion vierge. Rapidement averti, Georges Eastman n'apprécie guère.

Pathé fait rapatrier toutes les copies usagées de ses films pour gratter les images, repolir le support et le réémulsionner, d'où la disparition de tant d'oeuvres, pleurées aujourd'hui par les cinéphiles. Il crée les laboratoires de Joinville et fonde la "Cité du Film" dans l'ancien village de Vincennes.

Il développe toutes les branches cinématographiques, fabrication d'appareils, de films vierges, production de films, studios, laboratoires, éditions/location de films, exploitation de salles et implantation de succursales et filiales dans le monde entier. Le spectacle artisanal des premières années du siècle se transforme rapidement un une industrie qui lui rapporte des millions de francs.

En Espagne, Charles Pathé ouvre une filiale à Barcelone ; parmi le personnel embauché, figure un jeune aristocrate de 30 ans, d'origine française, Segundo de Chomon, inventeur d'un procédé original de colorisation des pellicules par l'aniline, ainsi que de nombreux trucages et décors stupéfiants.

Pathé veut populariser le cinéma en abaissant son coût de revient et lance en 1913, le "Pathé Kok" qui utilise une pellicule ininflammable de 28 mm de largeur, à double perforation asymétrique, pour éviter que l'utilisateur charge son film dans le mauvais sens ; le projecteur fournit son propre courant électrique pour alimenter l'ampoule, grâce à une grande manivelle qui actionne simultanément le mécanisme et une dynamo.

Durant les années 20, un projecteur Pathé-Continsouza 35 mm est commercialisé et on voit apparaître le fameux Pathé-Baby utilisant le format 9,5 mm à perforation centrale. En 1927, les deux adversaires Georges Eastman et Charles Pathé s'unissent pour créer Kodak-Pathé et distribuer le film vierge.

En 1930, Charles Pathé se retire des affaires cinématographiques, après avoir cédé ses actions à Bernard Natan. La Société Pathé-Natan va vite s'écrouler, selon la légende "suite à des opérations financières douteuses, qui conduiront à l'arrestation de Natan pour escroquerie".

Il est plus vraisemblable que Bernard Natan a été victime de l'antisémitisme des années 30. Il est mort à Auschwitz en 1942, alors que la Société Nouvelle Pathé Cinéma va perdurer encore 50 ans, jusqu'à son rachat en 1992 pour 1,2 milliards de francs par la société Chargeurs.

Pour en savoir plus sur Bernard NATAN.

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